
La mobilité des collaborateurs se développe
Dans un environnement professionnel en constante mutation, le nombre de collaborateurs mobiles au sein des organisations est en augmentation. Qu’ils opèrent sur site ou à distance, ces employés rencontrent des enjeux spécifiques qui les différencient de leurs collègues sédentaires. Les organisations doivent porter une attention particulière aux défis liés à la mobilité, notamment en matière de risques sociaux, sécuritaires et environnementaux.
En France, près de 10 millions de travailleurs itinérants ne disposent pas d’un lieu de travail fixe (Fondation Travailler Autrement, 2023), et passent du temps dans leur véhicule pour se déplacer. Chaque jour, ils effectuent en moyenne entre 50 et 140 km pour remplir leurs missions, et ce sur des zones géographiques parfois multiples. Ces travailleurs se répartissent entre d’une part les métiers « roulants », à savoir les professions mobiles au sens propre du terme tels les chauffeurs de bus ou de taxi, les routiers ou encore les ambulanciers, et d’autre part les métiers qui ont besoin de leur véhicule pour remplir leur mission à l’instar des techniciens, des dépanneurs, des livreurs, des commerciaux, des professionnels de santé libéraux, etc.

Parallèlement à ces professionnels itinérants, il convient d’ajouter les collaborateurs qui travaillent à distance, dont ceux qui opèrent dans des sites éloignés et décentralisés, en région ou à l’étranger, dans des filiales, des centres de services partagés (CSP), ou en réseau. « De plus en plus de collaborateurs travaillent en réseau, en CSP, ou changent de lieu de travail régulièrement pour répondre aux contraintes organisationnelles de leur entreprise », constate José Heider, Product Marketing Manager chez Docaposte.
Par exemple, les banques et assurances, ou encore les réseaux de franchisés, sont pour la plupart organisés de manière décentralisée, avec des agences, des antennes et des filiales partout en France et/ou dans le monde. Par ailleurs, la façon d’exercer leur métier a également fortement évolué.
« Auparavant, les collaborateurs exerçant le même métier au sein d’une banque ou d’une compagnie d’assurance étaient par exemple centralisés sur un même plateau, précise Philippe Imbert, directeur commercial secteur privé de Klee*. Aujourd’hui, si les plateaux existent toujours, ils sont occupés par des collaborateurs exerçants des métiers différents. Les métiers ont besoin d’outils leur permettant d’interagir entre eux, même s’ils ne sont pas au même endroit, et de communiquer avec leur agence ou avec le siège ».

Enfin, les télétravailleurs font également partie de la grande famille des collaborateurs mobiles et continuent d’être de plus en plus nombreux. D’ailleurs en 2024, le télétravail a dépassé le stade de simple « tendance » et s’est ancré dans la culture des entreprises, modifiant en profondeur l’organisation du travail. Un tiers des salariés français profitent désormais du télétravail (Statista 2024). En 2023, environ 47 % des entreprises françaises ont intégré une part de télétravail dans leur mode de fonctionnement, un taux qui a plus que doublé depuis la période pré-pandémie. Il faut dire que la méthode a du bon…
Selon une enquête menée par hive.com, le télétravail génère de nombreux avantages. Il permet notamment des gains de temps substantiels grâce à l’élimination des déplacements domicile-travail, contribue dans la plupart des cas à une amélioration de la productivité des collaborateurs, offre une marge de flexibilité des horaires de travail, permet de réduire les frais de déplacement et de restauration, ou encore de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle.
Quels que soient leur métier, la façon et les raisons pour lesquelles ils se déplacent, tous ces collaborateurs mobiles sont confrontés à des enjeux similaires, tant sur le plan social, environnemental ou encore sécuritaire.
Prévenir les risques sociaux
En tête de ces enjeux figurent ceux liés à la communication et à la collaboration, les difficultés d’accès à l’information et au partage des connaissances. Dès lors qu’ils sont éloignés de leur entreprise, les collaborateurs mobiles, ou ceux plus globalement qui travaillent à distance, peuvent ainsi rapidement se sentir déconnectés de leur organisation, voire isolés, et se couper ainsi de la vie sociale et de la culture de l’entreprise. Un ressenti qui peut entraîner une moindre satisfaction au travail, une motivation réduite.
Le manque d’interactions, de retours d’information et de mécanismes de reconnaissance peuvent également impacter la fidélisation de ces employés, un point à ne pas négliger à l’heure où le marché du travail reste sous tension.

« Il est à ce titre indispensable que l’entreprise mette en place les outils de collaboration ainsi que les processus permettant de maintenir le lien social avec le travailleur à distance, ainsi que son sentiment d’appartenance, précise à ce sujet Alain Garnier, président et cofondateur de Jamespot. Pour garder un sentiment de vie commune, elles peuvent par exemple développer un environnement de bureaux virtuels permettant aux collaborateurs de se retrouver, de créer des rencontres informelles. Bien entendu, ce type d’outils vient en complément des solutions de collaboration comme les intranets ou les Digital Workplace qui contribuent également à maintenir ce lien social, mais aussi à exercer son métier à distance ».
Les entreprises peuvent également mettre en place des systèmes de « mentorat » entre les collaborateurs distants et ceux sur site, et organiser des réunions en présentiel régulièrement.
Relever les défis sécuritaires
La mobilité soulève également des enjeux autour de la sécurité des collaborateurs. Qu’il s’agisse d’un commercial qui se rend chez un client, d’un technicien qui va réaliser une opération de maintenance, ou simplement d’un salarié qui doit aller sur un autre site de son entreprise, tous ces collaborateurs sont susceptibles de réaliser des déplacements qui les exposent parfois à des risques.
Certains peuvent par exemple passer de nombreuses heures sur la route et sont à ce titre particulièrement exposés aux risques liés à la sécurité routière. D’autres peuvent être amenés à se rendre sur des sites présentant un risque élevé (environnements confinés, présence de produits chimiques, circulation d’engins lourds…).

« Les travailleurs isolés peuvent être exposés à des risques tels que les accidents de travail, les chutes, les blessures et les violences, explique Fabien Bréget, CEO de Nomadia. En cas d’accident, les conséquences peuvent être importantes aussi bien pour le collaborateur que pour l’entreprise ».
En effet, et au-delà du risque sanitaire pour le collaborateur, en France, une entreprise peut être légalement tenue responsable de tout accident de travail survenu à l’un de ses travailleurs isolés, notamment s’il est prouvé qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité.
« Face à ces risques, les employeurs se doivent de mettre en place des mesures de sécurité et de surveillance pour protéger les travailleurs isolés, tels que des dispositifs de communication pour qu’ils puissent alerter automatiquement les secours et partager avec précision leur position géographique pour être secourus », poursuit Fabien Bréget.

Parallèlement à la sécurité des collaborateurs, le développement de la mobilité pose également la question de la protection des données et du risque cyber. « La protection des documents et des données de l’entreprise, ainsi que la lutte contre la fraude sont actuellement des préoccupations majeures pour les entreprises, précise Olivier Rajzman, directeur commercial DocuWare. Un risque auquel elles sont d’autant plus exposées lorsqu’elles comptent des collaborateurs mobiles dans leurs effectifs ».
Dans ce contexte, et alors que le risque cyber continue de se développer, la sécurité des données et des systèmes d’information devient donc un enjeu majeur pour les entreprises. « Il est à ce titre indispensable que les entreprises investissent dans des technologies garantissant la sécurité des données, en permettent la traçabilité et la sauvegarde dans le respect des normes en vigueur, ajoute Olivier Rajzman. La sécurisation des données passe aussi par la mise en place de règles strictes d’accessibilité aux systèmes d’information et par la sensibilisation des collaborateurs, notamment mobiles, aux risques cyber ».
S’inscrire dans une démarche respectueuse de l’environnement
Par ailleurs, la mobilité croissante des collaborateurs n’est pas sans conséquence sur l’empreinte carbone des entreprises. Le transport est en effet l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. En 2019, il représente 31 % des émissions françaises de GES (Citepa 2021). Un chiffre stable depuis 2008, l’amélioration de la performance environnementale des véhicules ne compensant pas l’augmentation de la circulation.
Les émissions de GES du secteur des transports sont générées par les activités liées aux transports de voyageurs et au fret. Ces transports comprennent les déplacements (biens, personnes) effectués au sein des branches d’activités économiques spécifiques (entreprises de services de transport pour le compte d’autrui), des activités supports de certaines entreprises (transport pour compte propre), des services publics, et ceux effectués par les véhicules appartenant aux particuliers. Les émissions de GES incombent ainsi à hauteur de 54 % aux véhicules particuliers, de 24 % aux poids lourds et de 20 % aux véhicules utilitaires légers.
Certes, la montée en puissance du télétravail permet de réduire de l’ordre de 30 % l’impact négatif sur l’environnement des déplacements quotidiens. Selon l’Ademe, un jour de télétravail par semaine provoque une baisse des émissions de CO2 de 271 kg par an. Néanmoins, éviter un déplacement au bureau ne signifie pas nécessairement de ne pas utiliser sa voiture, pour par exemple faire des courses ou emmener ses enfants à l’école, des déplacements qui se font souvent sur le trajet domicile-travail.
D’autre part, le télétravail peut encourager à faire des déplacements plus éloignés encore que le bureau ou à déménager dans des banlieues moins chères mais plus distantes du bureau. Par ailleurs, la consommation d’énergie individuelle par employé augmente avec le travail à la maison alors même que les bureaux, bien qu’occupés partiellement, continuent d’être chauffés et éclairés autant qu’avant. « La gestion des présences des collaborateurs sur site est d’ailleurs à ce titre importante pour d’une part organiser les plannings, et d’autre part optimiser l’usage des espaces de travail », précise Alain Garnier de Jamespot.
Si la mobilité des collaborateurs est indispensable pour nombre d’entreprises, il convient donc de la penser intelligemment pour limiter ces émissions de GES. La démarche est d’autant plus importante à mener aujourd’hui au regard des contraintes réglementaires sur la circulation des véhicules qui tend à se durcir. Par exemple, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), la mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) et la Loi Climat et Résilience imposent de fortes obligations visant à réduire la circulation des véhicules les plus polluants sur certaines zones géographiques, ou à inciter à la transition énergétique des entreprises, via notamment la mise en place de stratégies RSE.
« Afin de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre tout en tenant compte de la sécurité et du bien-être de leurs collaborateurs, les entreprises peuvent recourir à des outils digitaux leur permettant notamment d’optimiser les déplacements des professionnels itinérants grâce à une planification intelligente ou à une sectorisation des activités », souligne Fabien Bréget de Nomadia.
Pour relever ces défis sociaux et environnementaux inhérents à la mobilité des collaborateurs, il convient que les entreprises adaptent leurs méthodes de travail et adoptent les outils appropriés à la gestion et à l’accompagnement de ces travailleurs à distance. Le recours à ces outils permettra alors de relever ces défis, tout en assurant l’équilibre entre l’efficacité professionnelle et la qualité de vie des collaborateurs mobiles. En effet, les objectifs de performance et de croissance des organisations s’inscrivent toujours en filigrane de ces différentes démarches.
* Livre Blanc Jalios : Les Digital Workplace dans le secteur banque et assurance