Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.
Le site de la transformation digitale des entreprises et de l’entreprise mobile par GPOMag
Alain Noret, directeur des Ressources humaines de la branche Infrastructures du groupe Eiffage
Les actualités du digital

Les outils digitaux offrent une vraie dimension d’ascenseur social

Depuis 2018, le groupe Eiffage s’est lancé dans une politique de formation en interne ambitieuse. Avec ‘MyUniversity’ et le programme ‘Ambition numérique’, les 77000 collaborateurs de l’entreprise de par le monde ont désormais accès à un univers digital complet et plus de 150 formations. Entretien avec Alain Noret, directeur des Ressources humaines de la branche Infrastructures du groupe.

Au printemps 2020, la crise sanitaire du Covid-19 a poussé toutes les entreprises à développer le télétravail et les formations en distanciel. Comment a réagi le groupe Eiffage face à cette crise ?

La crise du Covid-19 a donné un essor incroyable à la formation digitale. Au début de cette période, nous ne faisions que des formations en présentiel. Notre offre digitale était relativement restreinte ; depuis, cela a complètement explosé. Aujourd’hui, notre université réalise plus de 500 sessions de formation par an, dont environ 30 % en distanciel. Cela nous a ouvert des perspectives que nous n’avions pas avant la crise sanitaire.

Cela permet par exemple de mobiliser des collaborateurs sur leur chantier alors que nous avions du mal à les faire venir à Vélizy. Il n’y a plus d’excuse pour ne plus faire de formation ! Cela nous ouvre aussi de belles perspectives à l’international : certains de nos expatriés regrettaient de ne pas avoir accès aux formations, c’est désormais possible. Nous avons aussi pu systématiser des parcours de formation.

En quoi consiste votre plateforme de formations ‘MyUniversity’ ?

Avant le Covid-19, pour la partie strictement digitale, notre plateforme ‘MyUniversity’ formait 1200 personnes par an. Fin 2021, nous sommes passés à 6000. Il y a eu donc, sur ce sujet au moins, un effet  positif à cette crise. D’autres grands groupes étaient peut-être plus avancés que le nôtre avant le Covid-19 ; mais, en seulement trois mois, le groupe Eiffage a vraiment pivoté comme une start-up afin de saisir l’opportunité.

Tous les groupes fonctionnent avec des plans stratégiques organisés d’une façon qui leur est propre. Au sein du groupe Eiffage, chaque branche établit son plan stratégique selon des logiques-métiers et des logiques-marchés qui lui sont propre. Cela dit, l’ensemble des branches du groupe partage deux axes communs : un premier qui tourne autour de la transition écologique bas carbone, et un second qui tourne autour des ressources humaines. Concernant les ressources humaines, notre plan stratégique intègre un certain nombre d’objectifs dont l’accompagnement de la transition numérique des métiers du groupe et le développement d’une culture numérique pour tous. Ces deux objectifs s’inscrivent intrinsèquement dans notre stratégie RSE.

Concrètement, comment accompagnez-vous vos collaborateurs ?

Trois points concernant l’accompagnement digital de nos collaborateurs sont à mettre en exergue. En premier lieu, lors de l’embauche, des parcours d’intégration font la part belle à tous les outils dont dispose un collaborateur, grâce à une quinzaine de modules d’e-learning qui lui permettent de découvrir le groupe, la branche dans laquelle il évolue et son métier. Ces modules l’amènent à s’approprier les outils RH, les outils bureautiques et collaboratifs, ainsi que des applications plus spécialisées.

En deuxième point, tous nos collaborateurs bénéficient au sein notre université, d’un espace digital, ‘MyUniversity’, où 150 formations digitales sont mises à leur disposition. Les formations proposées couvrent un spectre très large, elles sont classées selon neuf thèmes, comme le management, la technique, la sécurité, etc. Elles sont à disposition de tous nos collaborateurs via notre portail de formations, sur PC ou, prochainement, sur smartphone.

Enfin, le troisième sujet, le plus ambitieux, est l’accompagnement de nos compagnons dans les problématiques de transformation digitale. À la fois pour que ceux qui ne sont pas familiers du sujet acquièrent une connaissance et une pratique minimale du numérique – certains n’ont jamais touché à un ordinateur ni utilisé Internet –, et pour que ceux qui ont déjà des connaissances puissent prendre en main dans les meilleures conditions les outils digitaux mis à leur disposition.

Précisément, il existe encore une forte disparité dans la société française, et dans le monde du travail, au sujet de l’accès au numérique. En particulier pour les collaborateurs qui n’ont pas recours quotidiennement à la bureautique ou à Internet. Comment leur mettre le pied à l’étrier ?

Aujourd’hui, notre premier objectif, très simple, est de faire en sorte que tous nos collaborateurs aient accès à leur espace personnel numérique. Pour cela, chacun d’eux dispose d’une adresse e-mail : grâce à cette adresse, il peut activer son espace et avoir accès à l’écosystème du groupe. Le problème, c’est qu’un certain nombre de compagnons n’activent pas cette adresse e-mail. Chaque trimestre, nous réalisons des extractions pour analyser le nombre de collaborateurs qui ont bel et bien ouvert leur espace digital et ceux qui se sont connectés par la suite à leur espace. À titre d’exemple, au niveau de la branche Infrastructures, nous avons 8500 compagnons dont 1500 n’ont encore jamais créé leur espace digital. Et, sur les 7000 qui l’ont ouvert, seuls 50 % se sont connectés dans les trois derniers mois.

Votre programme ‘Ambition numérique’ répond-il à cet enjeu ?

Ambition numérique est un programme assez ambitieux et novateur. Il s’agit de cinq modules d’une demi-journée chacun, distants de 15 à 30 jours. Le premier module est simple : les collaborateurs sont placés devant un ordinateur, nous créons ensemble leur espace numérique et nous les aidons à entrer dans leur univers digital. Nous les testons à travers des mises en situation de la vie quotidienne, déconnectées de la vie d’entreprise. En fonction de cette évaluation, nous déterminons leur profil numérique. Certains sont complètement débutants, d’autres sont déjà familiers avec le digital.

Comment les autres modules s’organisent-ils ?

Les quatre autres modules sont construits sur un même principe. Une douzaine de compagnons est réunie au cours d’une matinée. Nous commençons par des mises en situation sur des thèmes précis : la gestion d’un e-mail, la recherche sur Internet, la sécurité informatique… à travers une quinzaine de petits exercices. Dans un deuxième temps, nous déclinons des applicatifs spécifiques à Eiffage : nous les orientons ainsi vers ce qu’ils doivent utiliser dans leur vie professionnelle de tous les jours. À savoir comment aller sur leur espace numérique, où trouver leur bulletin de salaire, comment contrôler leurs remboursements de Sécurité sociale, comment souscrire en ligne aux augmentations de capital réservées aux salariés, comment avoir accès aux formations numériques, comment réaliser leur entretien en ligne, etc. Tout cela doit faire partie de leur quotidien.

Comment vos collaborateurs réagissent-ils au programme ‘Ambition numérique’ ?

Il y a deux réponses à votre question. Sur le plan formel, il y a une adhésion portée par l’intérêt ressenti et l’envie d’aller plus loin. À la fin du premier module, nous leur donnons une visibilité sur tous les outils Eiffage. Nous leur laissons le choix : soit ils considèrent que cela ne va rien leur apporter car ils sont à un niveau suffisant, soit ils vont choisir de se former. Le premier module est donc obligatoire, les modules suivants facultatifs. Sur toutes les formations que nous réalisons, nous avons un taux d’adhésion de 90% : les gens restent.

Et il y a un autre aspect, qui est celui du lien social et du « plus » en matière de cohésion. Je m’explique. La démarche du programme Ambition numérique implique une proximité avec des sachants à travers des parrains numériques. À chaque groupe de trois compagnons correspond un parrain numérique, qui peut être par exemple ingénieur ou cadre RH. Ces derniers aident les stagiaires à résoudre les problèmes, puisque nous ne laissons aucun compagnon seul face à un ordinateur. Nous ne répondons pas à sa place, nous l’amenons à s’approprier les outils. Cette démarche a un impact social important : au-delà de la connaissance acquise, ceux qui ne connaissaient rien au digital – souvent dépendants de leur conjoint ou de leurs enfants – sont extrêmement reconnaissants et valorisés. De plus, cela crée un lien social entre encadrants et compagnons, la dimension humaine dans un cadre d’apprentissage étant très différente des relations professionnelles quotidiennes. Cela crée un lien vraiment fort.

Au niveau du groupe, quel premier bilan pouvez-vous tirer du programme ‘Ambition numérique’ ?

Nous avons lancé le premier module fin 2021, et le programme monte en puissance lentement pour s’inscrire dans la durée. C’est une importante logistique, puisque nous avons 22000 compagnons en France, et que nous les formons par groupe de 12. Nous travaillons sur la base du volontariat, qui dépend aussi, évidemment, de la bonne volonté des décideurs aux différents niveaux. Cet engagement est « coûteux » en termes de disponibilité des collaborateurs :  mettre en place 5 demi-journées de formation peut temporairement désorganiser le travail des équipes. Certains managers se demandent pourquoi perturber leur écosystème mais la plupart s’inscrivent dans ce programme car cela correspond à leur vision RSE. Dans la branche Infrastructures par exemple, cela a bien décollé, tous les métiers s’en sont saisis.

Au niveau du groupe, le programme Ambition numérique correspond à une logique de ‘marque employeur’ que nous pouvons valoriser en termes de RSE. Ma conviction est qu’un programme comme Ambition numérique est différenciant : je suis persuadé qu’un jour ou l’autre, tout le monde fera de même, mais nous sommes les premiers à avoir lancé une telle démarche à cette échelle. La mise en place de cette initiative s’est faite par capillarité : nous en parlons au comex, aux comités de direction, nous en parlons dans les conventions… En définitive, cette approche sous-tend une vraie dimension d’ascenseur social. Elle s’inscrit sur le long terme : dans 20 ans, les outils auront probablement évolué, mais la volonté sera la même.

En charge de la modération de tous les billets, la Rédaction de GPOMag choisit les billets les plus pertinents pour vous les faire partager.