Transformation digitale : de la stratégie à l’action !
Sujet phare, la question de la transformation digitale des entreprises ouvre le champ des possibles et devient une nécessité dans un écosystème en perpétuel évolution. Plusieurs questions se posent : comment les entreprises s’adaptent aux changements ? Comment peuvent-elles passer de la stratégie à l’action ? Quelles sont les étapes à ne pas louper dans une stratégie d’adaptation au digital ? Frédéric Charles, Directeur de la Stratégie Digitale et de l’Innovation de Suez Smart Solutions, apporte sa vision et son expertise en faisant un constat simple : le train est en marche !
La transformation digitale des entreprises : mythe ou réalité ?
Il faut dès le début partir du principe que toutes les entreprises ne pourront mettre en place les mêmes démarches pour rendre possible sa transformation digitale, cela dépend de sa taille, de sa structure ou encore de son secteur d’activités.
En effet, elles n’ont pas les mêmes points de départs, les secteurs n’évoluent pas à la même vitesse et surtout chacune a sa manière de s’y confronter. Par exemple, le secteur des médias (audio, vidéo, etc.) a déjà entrepris sa transformation il y a 10 ans. Nous sommes face à un secteur qui a dû très rapidement faire évoluer ses stratégies, pour notamment continuer à répondre aux besoins du marché, mais également aux nouvelles mœurs des utilisateurs. Aujourd’hui, leurs offres numériques sont matures. Ce qui n’empêche pas régulièrement d’avoir de nouvelles ruptures comme quand Apple a conquis le marché de la musique via l’iPhone et sa plateforme en ligne.
Les banques et assurances sont actuellement en pleine refonte numérique, par exemple. Ces dernières se doivent de proposer à leurs clients des solutions et outils performants, adaptés au mobile et sécurisés. Il s’agit là de trois caractéristiques étroitement liées aux innovations technologiques. Véritable réalité du marché pour continuer d’exister et de performer, ou pour prendre position pour les outsiders comme dans la banque 100% mobile Number26 et bientôt en 2017 l’offre d’Orange Banque.
Même si les démarches ne sont pas les mêmes, la réflexion, elle, ne change pas. On distingue plusieurs phases dans une stratégie de transformation digitale : Prise de conscience, lancement d’initiatives, premier retours d’expérience, structuration et régime de croisière.
La question du mythe ou de la réalité ne se pose donc plus, il s’agit bien d’un sujet d’actualité, qui a d’ores et déjà dépassé le stade de simple projet pour certains.
Quels sont les éléments déterminants dans la bonne mise en œuvre d’un projet ?
Deux éléments clés prédominent lorsqu’une structure souhaite se lancer dans un projet de transformation digitale : l’organisation et le business model.
Lorsque l’on parle d’organisation, il s’agit de la direction et du management en premier lieu. Les dirigeants d’entreprise doivent prendre conscience que la transformation digitale est bien une réelle démarche qui doit se faire de façon logique et réfléchie, tant pour la bonne continuité des activités que pour son expansion.
A ce jour, la majorité des entreprises sont encore dans une phase de réflexion où elles valident des hypothèses, par exemple, via la création d’un laboratoire « agile » qui va effectuer des développements de service en mode « test and learn ». Pour le moment, elles ne sont pas encore dans la situation et la prise de conscience où toutes les directions vont devoir s’adapter, se transformer et demander de fonctionner de façon plus agiles, main dans la main, car le digital est transverse.
Quant au business model, il est ici question des bases de fonctionnement de l’entreprise. En évoquant, par exemple, la possibilité de création de nouveaux emplois grâce à cette nouvelle stratégie, il n’est pas forcément question d’une augmentation réelle de postes, mais bien d’une transition et de transfert de personnel. Il faut penser que l’organisation du pilotage logistique des moyens physiques actuels va dorénavant glisser vers un pilotage logistique des moyens numériques sur de nouveaux postes (designer, créateur d’agence, community manager, etc.) Si l’on prend l’exemple classique du commerce, secteur qui a énormément évolué avec l’explosion du numérique, l’invention de nouveaux métiers n’avaient pas lieu d’être à l’époque du simple magasin sans canaux internet. Aujourd’hui le magasin se réinvente en conseil du client, en expérience client, et en synergie totale avec son offre digitale. C’est ce que l’on voit chez Darty avec le « click and collect » ou dans un Apple store qui a fortement influencé les magasins des opérateurs, ou Microsoft qui n’a jamais eu de magasins auparavant.
Comme pour les éléments déterminants, l’idée de la transformation globale d’une entreprise peut être soit radicale, soit se développer petit à petit sous différentes formes, comme le partenariat avec une start-up ou la création d’une agence digitale. Il ne s’agit donc pas forcément de dispositifs finaux, mais plutôt de dispositifs d’apprentissage pour que l’entreprise prenne conscience de l’impact de telles transformations sur son métier. Elle espère aussi que cela déclenche une réaction de son organisation pour s’adapter. On n’est pas loin d’avoir réinventé le vaccin !
Le BtoB : mauvais élève ou futur révolutionnaire ?
Aujourd’hui dans le B2B, nous ne sommes pas encore témoins de changements significatifs, notamment au sein de grands groupes, mise à part la création de places de marché. Les « vraies » transformations digitales sont démontrées par des modèles alternatifs comme Uber ou Amazon très B2C. En effet, il s’agit d’entreprises parties de zéro et qui ont construit leur modèle de toute pièce, et démontré leur capacité de changement d’échelle, via des plateformes technologiques très « scalables », pour dominer, un à un, tous les marchés B2C dans chaque pays.
Mais dans le B2B quel sera le moteur de la transformation numérique ?
Certains exemples inspirant dans l’univers du BtoB existent déjà, comme pour General Electric, ils s’appuient sur la valeur des données et sur la vente de services plutôt que de produits. Cependant, il est clair que la prise de conscience des entreprises sur la révolution que cela cache est plus lente et chacun se calque in fine sur ce que fait la concurrence de son secteur. Pourtant Amazon, Google ou Apple ont démontré que la notion de secteur n’était pas une barrière dans un monde de services numériques. Et quand on voit que Tesla est capable de produire une voiture en cinq ans, on constate que les évolutions peuvent aller très vite.
La vraie rupture du numérique dans le BtoB, au niveau de l’industrie, va venir du travail collaboratif (entreprises, prestataires, partenaires, clients…) autour des modèles numériques 3D, et de la capacité à en tirer de la valeur sur la longueur. L’aéronautique a un temps d’avance sur les autres industries, mais elle y a investi beaucoup d’argent. L’innovation est en train de baisser drastiquement cette barrière à l’entrée et de permettre de travailler sur des modèles numériques dans de plus en plus d’industries.
Au-delà de la simple conception, le numérique va donc bouleverser aussi la façon de gérer les produits physiques. D’ailleurs, un autre cheval de bataille vient se greffer à cette question de la transformation digitale : l’environnement. En effet, on peut simplement affirmer que les produits physiques épuisent les ressources de la planète, et qu’à termes, la transition énergétique pourrait également jouer un rôle dans une stratégie numérique de l’industrie, avec un rôle d’accélérateur ou même de régulateur. Un exemple relativement lointain, lorsque le Président Jacques Chirac a décidé de mettre fin aux essais nucléaires, on a donc stoppé une production dites « physique » au profit de tests numériques, moins impactant pour l’environnement. Sur le même schéma dans certaines régions, il pourrait être décidé de bloquer la production de voitures à 10.000 exemplaires, et donc de s’appuyer sur de nouveaux modèles rendus possibles par le numérique et une meilleure gestion collaborative de l’offre et de la demande, comme avec le locatif.
A plus ou moins long terme, certains modèles vont être remplacé et/ou abandonné, mais une chose est sûre, il faut agir maintenant.
Par Frédéric Charles, membre du Comité Editorial de ROOMn