Nouvelles mobilités, comment les organiser
La crise sanitaire due à la Covid-19 a donné un coup d’arrêt brutal et sans précédent à la mobilité, et en particulier, aux déplacements professionnels. Cette situation inédite amène, collectivement, à se questionner sur l’hypothèse d’une croissance continue de ces déplacements, sur laquelle l’industrie des transports s’est basée depuis longtemps.
Elle fait également prendre conscience de l’intérêt des technologies pour accompagner l’évolution des mobilités. Ce changement complet de modèle invite les entreprises à penser différemment le futur de la mobilité de leurs collaborateurs, qui se doit d’être plus agile, pertinente et responsable.
Toute crise est un accélérateur du changement, un moment charnière où il s’agit de faire des choix courageux (Krisis, en grec, signifie « jugement », « décision »). La crise de la Covid constitue, à ce titre, une occasion historique d’interroger le rapport à la mobilité et de repenser les schémas de déplacements qui n’étaient probablement pas soutenables avant la crise, tant d’un point de vue environnemental que social.
Dans le cadre de la crise de la Covid-19, les acteurs publics, les spécialistes du transport et des déplacements professionnels ainsi que les entreprises vont devoir ajuster leurs stratégies et politiques en matière de transport et de mobilité, en prenant plus que jamais en compte les défis posés par les enjeux économiques, environnementaux, sociaux ou encore sanitaires.
Créer les conditions d’une mobilité qui soit à la fois plus agile et plus responsable nécessite de revisiter la vision de la mobilité qui prévalait jusqu’à maintenant : celle notamment d’une mobilité sans limites et sans entraves, nécessairement partagée et autonome, peu régulée et façonnée essentiellement par des acteurs privés.
En s’appuyant à la fois sur les nouvelles technologies, mais aussi sur les changements de comportement, il s’agit de définir une mobilité plus adaptée et pertinente, et de ne pas s’interdire d’envisager la « démobilité » ou la « non-mobilité » lorsque cela est justifié.
Quelle mobilité à l’issue de la Covid-19 ?
Ainsi, bien qu’il soit encore trop tôt pour dessiner avec précision les contours de la mobilité post-crise Covid-19, quelques certitudes apparaissent.
En effet, le télétravail devrait se démocratiser et entraîner une baisse durable des trajets domicile-travail et des voyages d’affaires. Une majorité de salariés ayant expérimenté le télétravail voudra continuer à pouvoir en bénéficier de manière ponctuelle, ce qui impliquerait des changements importants dans l’organisation du travail et des déplacements, compte tenu de la situation actuelle.
D’autre part, les organisations publiques comme privées ont été amenées à investir massivement et en quelques jours dans des outils digitaux (ordinateurs portables, outils collaboratifs à l’image de Zoom et de Klaxoon) et ont ainsi franchi durablement un palier dans le déploiement du télétravail.
Enfin, ces mêmes organisations, confrontées à un contexte économique plus difficile, vont chercher à réduire les coûts liés au transport. À ce titre, un aller-retour en vol long-courrier pour une réunion de quelques heures pourrait devenir l’exception alors qu’elle était une pratique commune jusqu’à maintenant pour les cadres supérieurs.
« De véritable changements sociétaux sont actuellement en train de s’opérer, notamment en matière de déplacements professionnels, précise ainsi Jamel Ben Guirat, directeur marketing de Wimova, solution de mobilité pour la gestion des déplacements professionnels. Ils pourraient avoir un impact fort sur le paysage de la mobilité professionnelle et personnelle. Par exemple, depuis un an, les volumes des déplacements professionnels par avion se sont considérablement réduits, remplacés par des réunions virtuelles. Repenser la mobilité de demain impliquera donc de conjuguer les traditionnelles contraintes budgétaires, environnementales, sanitaires et sécuritaires, tout en prenant en compte la démocratisation de nouveaux modes et organisation de travail, et en particulier le télétravail ».
Vers la mobilité plus individuelle
La crise a ainsi favorisé le retour à une mobilité individuelle qui risque, au moins temporairement, de prendre le pas sur la mobilité collective afin de perpétuer le principe de distanciation sociale institué durant le confinement. En effet, nombre d’usagers des transports collectifs peuvent se montrer frileux à l’idée de prendre à nouveau des avions, des trains ou encore des bus très fréquentés.
D’après une étude Worklife menée en novembre 2020, avant la crise sanitaire, les Français privilégiaient les transports en commun (à 42,5 %), la voiture personnelle (à 32,9 %) et le vélo (à 12,1 %), au détriment de la marche à pied et du covoiturage. En période de crise, ces tendances s’inversent chez ceux qui ont décidé de changer de mode de transports, puisque ces derniers semblent privilégier avant tout les transports individuels : le vélo (à 29,6 %), et la voiture personnelle (à 39,1 %). Les transports en commun restent toujours dans le top 3 de leurs moyens de locomotion préférés, mais accusent une chute importante en passant de 10,7 % contre 42,5 % auparavant.
Les usagers des transports collectifs se sont ainsi davantage tournés vers la voiture individuelle et ce bien que celle-ci ait trouvé ses limites notamment dans les centres urbains, et qu’il soit peu probable que les conducteurs acceptent massivement d’acheter ou de renouveler leur véhicule et de perdre à nouveau plusieurs heures par jour dans les embouteillages ou à la recherche de places de parking.
Face à ces limites et afin d’éviter ces pertes de temps à leurs collaborateurs, et leur permettre de rester agiles en toutes circonstances, les entreprises peuvent s’appuyer sur certains applicatifs de partage, par exemple de places de parking.
Un choix notamment fait par le Groupe Altantic dans le cadre de la remise à plat de son plan de mobilité et afin de faciliter les trajets quotidiens des collaborateurs vers le siège parisien de son entreprise située à Bourg-La-Reine. Pour cette entreprise, l’optimisation des accès parking était déjà devenu un axe de travail prioritaire à l’automne 2019, en réponse aux grèves du transport en commun qui ont alors perturbé pendant plusieurs semaines l’Île- de-France.
« Puisqu’il fallait que les salariés reprennent leur voiture personnelle pour atteindre leur lieu de travail, la question du partage des places de parking s’est immédiatement posée », témoigne Sophie Volland, responsable des services généraux du Groupe Atlantic. D’autant que le parking du Groupe Atlantic compte 87 places, et le site 250 collaborateurs : un rapport de 1 à 3. L’optimisation des emplacements du parking était devenue une nécessité. Un outil sous Excel avait été construit, mais le tableur a vite montré ses limites face aux détails et aux volumes à gérer.
La société a donc fait le choix de s’appuyer sur l’application de gestion des places de parking MyCarSpot « Quand il y a une urgence à gérer, pouvoir accéder et tester tout de suite un outil qui pourrait apporter la solution, c’est essentiel, ajoute Sophie Volland. Si, moi, j’arrive à m’en servir au bout de 5 minutes, je considère que c’est gagné, surtout sur une population de commerciaux, comme sur notre site de Bourg-La-Reine, qui utilise vraiment beaucoup son téléphone portable. La réactivité de la start-up MyCarSpot, est à saluer, comme la clarté de l’application. C’était simple et efficace, parfaitement adapté ! ».
Une application également utilisée par le Conseil Départemental des Yvelines. « La solution est très souple et fonctionnelle, constate Florence Duhamel, responsable Flotte Automobile du Conseil Départemental des Yvelines. Les agents qui utilisent le système de réservation sont responsabilisés : ils ont compris l’intérêt et se plient à la règle de réservation systématique, libérant ainsi des places pour les collègues en cas d’absence. Le potentiel de disponibilité supplémentaire de places a été évalué à au moins 30 % ».
La mobilité va devenir plus responsable
Aujourd’hui plus que jamais, les salariés sont également prêts à tester d’autres formes de moyens de transports, et attendent de leurs employeurs qu’ils leur proposent une mobilité décarbonée. Déjà, avant la crise, l’observatoire Cetelem 2020 sur « La fracture automobile » révélait que 43 % des Français étaient prêts à ne jamais ou plus jamais posséder de voiture. Une étude Opinion Way-Athlon de 2019 avait également révélé que la mobilité durable est une demande de 63 % des employés.
Pour les entreprises, la mise en place d’une politique de mobilité durable leur permettrait, outre de satisfaire leurs collaborateurs, de participer à la décarbonation de leur activité, comme encouragés d’ailleurs par la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) de décembre 2019. Cette dernière prévoit en effet que les entreprises de plus de 50 salariés mettent en place différentes mesures comme l’autopartage.
Avec le partage de véhicules propres, ou même de ses véhicules de service, l’entreprise répond aux attentes des collaborateurs tout en contribuant à améliorer leur qualité de vie au travail et leur agilité. D’autre part, l’autopartage permet de réduire de 30 % en moyenne le nombre de véhicules d’une flotte et donc les coûts associés.
Le contexte actuel de crise favorise également le recours aux services de micro-mobilité pour les déplacements de moins d’un kilomètre notamment, et en particulier à l’usage du vélo ou encore des trottinettes électriques. Plusieurs municipalités, à l’image de Bordeaux, Vienne, Berlin, New-York, Bogota ont d’ailleurs mis en place ou étendues depuis le début de la crise Covid-19 des pistes cyclables et des zones de rencontre où piétons, vélos et voitures peuvent se déplacer à une vitesse limitée à 20 km/h.
Des mesures qui pourraient devenir pérennes et favoriser l’essor des micro-mobilités, notamment dans le cadre de déplacements professionnels ou domicile-travail. Si le vélo partagé n’est pas une nouveauté en soi, quelques Start-up spécialisées dans d’autres solutions de micro-mobilité partagées commencent à émerger, à l’instar de BlablaRide ou Bird pour les trottinettes électriques.
La mobilité sera multimodale
La mobilité durable ne s’arrête pas au partage de véhicules propres ou de solutions de micro-mobilité. 41 % des employeurs estiment d’ailleurs ne pas bien connaître toutes les solutions de mobilité durable, selon l’étude Opinion Way-Athlon.
Pour être agile, cette mobilité durable doit également être « multimodale (Voiture, scooter, vélo ou trottinette électrique) : une flotte multimodale et partagée, implantée sur les parkings des entreprises, peut en effet offrir des solutions inédites. Aux entreprises d’imaginer et d’offrir à leurs collaborateurs une multimodalité « sans couture », avec des outils digitaux qui permettent de disposer de moins de véhicules, mieux utilisés, via les applications de réservation à distance, l’accès au véhicule et d’assistance.
Trois conditions doivent alors être réunies pour que les salariés bénéficient de ces nouvelles solutions de mobilité d’entreprises.
- D’abord, la mobilité doit être flexible. Les collaborateurs ne raisonneront plus en mode « voiture personnelle » ou « véhicule partagé » pas plus qu’en « métro ou scooter » : il est en effet possible d’aller au travail en bus, faire une course à vélo dans la journée, aller voir un client en voiture ou en taxi, etc.
Les collaborateurs doivent alors pourvoir s’appuyer sur des solutions les accompagnant dans cette agilité tel que Moveasy qui propose de choisir le meilleur itinéraire, chaque jour, pour se déplacer, parmi différents modes de transport : vélo, train, bus, métro, tram, covoiturage, ou encore transport à la demande. Autre exemple, Wimova, qui, au travers de sa plateforme digitale, propose une continuité de services géographique sur l’ensemble du territoire national et une solution de réservation et de facturation centralisée de taxis.
- Ensuite, la mobilité doit être inclusive. « Il est indispensable pour les entreprises d’adopter une politique de mobilité pour tous – et pas uniquement à certains élus, précise à ce sujet Jamel Ben Guirat. Les flottes de véhicules classiques sont par essence inégalitaires, proposées aux salariés qui interviennent sur site, ou comme moyen de récompenser les cadres, avec un fort aspect statutaire ».
- Enfin, elle doit pouvoir soutenir l’activité de l’entreprise et ne pas grever ses budgets.
Aujourd’hui, la mobilité des collaborateurs ne doit donc plus être envisagée sous le seul prisme du moyen de transport. Elle doit être globale et couvrir aussi bien les besoins en termes de déplacements, que d’agilité, de facilité d’accès, de respect de l’environnement ou encore de coûts.